L’événementiel responsable, une chimère ?

L’événementiel responsable, une chimère ?

Salons internationaux, concerts, festivals ou congrès : les organisateurs d’événements peuvent-ils à leur échelle participer à la préservation de l’environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique ?

Comment le secteur de l’événementiel peut contribuer à la transition écologique ? La question peut paraître surprenante de prime abord. Surtout quand on sait que, selon l’association Zero Waste France, un événement de 5000 personnes génère jusqu’à 2,5 tonnes de déchets, 1000 kWh de consommation d’énergie et 500 kg de papier. Mais il existe des moyens d’agir sur l’ensemble de ces externalités négatives pour l’environnement. Et la clé pourrait bien être dans l’organisation d’événements éco-responsables.

Mais de quoi s’agit-il exactement ? Est-on face à l’application d’une forme de green-washing au secteur de l’évènementiel ?  “Un événement éco-responsable est un événement qui minimise l’empreinte environnementale et qui va maximiser l’impact social”, répond Nicolas Turpin, président et fondateur de l’agence eko Events, spécialisée dans l’organisation d’événements durables depuis 15 ans. Céline Jolly, directrice de l’agence Atipic complète : “pour moi c’est un événement qui, dès sa conception, prend en compte la durabilité, la limitation des pollutions et le bien-être des hommes impliqués.”

Des bénéfices pour la planète… et pour l’image des annonceurs

Car l’organisation d’un événement responsable ne consiste pas seulement à se passer de plastique jetable ou de proposer une option végétarienne au buffet. C’est une démarche globale qui s’attaque à la fois à la restauration, au transport, à l’hébergement ou à la scénographie. Bref, les défis sont nombreux. Mais il sont avant tout environnementaux avec pour objectif la réduction de  l’impact carbone ou des déchets. “On a une responsabilité liée à la volumétrie d’un événement, insiste Nicolas Turpin. Quand on accueille 1200 personnes sur un événement, on produit en une journée l’équivalent des déchets d’une famille pendant 6 mois.”

L’impact environnemental pour les agences mais aussi les annonceurs peut être conséquent. Tout comme les avantages, et parmi eux, celui de l’image. “On est là pour nourrir les engagements RSE des entreprises. Comme la règle n’est pas de faire des événements éco-responsables, le bénéfice image est indéniable, sous réserve que ce ne soit pas du greenwashing ou par opportunité”, précise l’entrepreneur.

La certification ISO 20121, un gage de crédibilité qui ne fait pas tout…

Alors, concrètement, que faut-il faire ? Céline Jolly le reconnaît, quand on veut changer sa manière de faire, la tâche peut donner le tournis. “On ne savait pas trop comment s’y prendre. On ne savait pas par quoi commencer. On avait de nombreuses interrogations et peu de temps”, confie-t-elle. La crise sanitaire passe par là, et l’agence Atipic décide d’obtenir la certification ISO 20121. Créée en 2012, par ou pour les professionnels du secteur de l’événementiel, “c’est la certification la plus crédible pour les événements”, indique Nicolas Turpin. Couvrant tous les stades de la chaîne d’approvisionnement d’un événement, la certification ISO 20121 transmet des lignes directrices et pratiques pour aider les professionnels à maîtriser leur impact social, économique et environnemental. “La moindre action a son importance, qu’il s’agisse de préférer l’eau du robinet à l’eau en bouteille en plastique ou d’encourager l’utilisation des transports publics”, précise le site ISO.

Un travail de grande ampleur, comme a pu le constater Céline Jolly : “c’est un sacré taff de tableaux, de pilotage, d’objectifs, de suivi. C’est aussi une belle occasion de tout remettre en question et de remettre à plat sa stratégie, son mode de fonctionnement.” Depuis l’obtention de la certification, l’agence Atipic compense l’ensemble de ses trajets, transmet à tous ses fournisseurs sa politique de développement durable et sensibilise ses clients lors des recommandations.

Toutefois, la certification n’est pas exempte de dysfonctionnements. Dernier en date : l’obtention par la coupe du monde du Qatar 2022 de l’ISO 20121. Malgré les stades climatisés et les scandales des travailleurs migrants décédés, la coupe du monde de football a été récompensée pour ses bonnes pratiques environnementales et sociales. Un coup dur porté à la crédibilité de la certification.

Au-delà des controverses, cette certification n’est pas non plus une fin en soi. Pour Nicolas Turpin, l’ISO 20121 n’est qu’un outil à la disposition des organisateurs d’événements. “La première des solutions, c’est de n’avoir ni certification, ni label, mais une vraie volonté d’agir sur son écosystème”, souligne-t-il. L’Agence de la transition écologique (Ademe) a d’ailleurs consacré un dossier aux événements responsables qui donne quelques pistes pour agir, des goodies au matériel en passant par le démontage.

Prouver que l’on peut faire du durable et du désirable

Malgré les bénéfices indéniables pour l’environnement, l’organisation d’événements éco-responsables est aussi un casse-tête logistique parfois accompagné d’interrogations auxquelles personne n’a de réponse. “Je vois de plus en plus de briefs qui excluent l’avion. Il y a quelque chose qui me gêne dans cette problématique. Est-ce que l’on doit tous s’empêcher de faire des événements à l’étranger, je ne pense pas ?”, s’interroge Céline Jolly.

Du côté de Nicolas Turpin, le problème principal est lié au réchauffement climatique. “Pendant les phases de canicule, on le sait, vivre sans climatisation c’est hyper-compliqué. Si un jour c’est comme cela toute l’année, on va être obligé de mettre des systèmes de climatisation qui rejettent des gaz fluorés qui ont un pouvoir de réchauffement plus important que le dioxyde de carbone. C’est le serpent qui se mord la queue !”, s’exclame-t-il.

Parmi les freins que rencontrent les événements éco-responsables, il y a aussi les préjugés et autres clichés qui collent à la peau de ce type d’organisation. “L'idée est de prouver que l’on peut faire du durable et du désirable. Et que ce n’est pas plus cher”, indique-t-il.

Mais la plus belle des récompenses reste les résultats. Nicolas Turpin se souvient : “pour un congrès Biocoop, on avait 4500 repas à faire. Rien qu’avec le choix des menus, nous avons évité 12 tonnes de CO2, ce qui est énorme. Avec de la viande blanche, du poisson et un repas full végétal qui s’est très bien passé.”

Récapitulons. En plus d’être bénéfiques à la planète, les événements responsables stimulent par leur engagement, la responsabilité et l’innovation de toute la filière événementiel. Sans oublier les retombées positives en termes d’images pour les annonceurs et leur politique RSE mais aussi la fierté des salariés d’appartenir à une entreprise engagée. Qu’est-ce que l’on attend pour s’y mettre ?